Difficile d’être misanthrope dans une société vouée aux plaisirs de la société. Alceste nous livre ici la profondeur de son sentiment. La misanthropie d’Alceste souffre-t-elle quelque exception?
Non, elle est générale, et je hais tous les hommes,
Les uns parce qu’ils sont méchants et malfaisants,
Et les autres pour être aux méchants complaisants,
Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
De cette complaisance on voit l’injuste excès
Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès ;
Au travers de son masque on voit à plein le traître,
Partout il est connu pour tout ce qu’il peut être,
Et ses roulements d’yeux et son ton radouci
N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.
On sait que ce pied-plat, digne qu’on le confonde ,
Par de sales emplois s’est poussé dans le monde ,
Et que par eux son sort, de splendeur revêtu,
Fait gronder le mérite et rougir la vertu.
Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit pour lui personne :
Nommez-le fourbe, infâme et scélérat maudit,
Tout le monde en convient et nul n’y contredit.
Cependant sa grimace est partout bienvenue ;
On l’accueille, on lui rit, partout il s’insinue,
Et, s’il est, par la brigue, un rang à disputer,
Sur le plus honnête homme on le voit l’emporter.
Têtebleu! Ce me sont de mortelles blessures
De voir qu’avec le vice on garde des mesures
Et parfois il me prend des mouvements soudains
De fuir dans un désert l’approche des humains.
Acte I, Scène I
Contributrice: Ates Dilay