Patrice est le genre d’homme à frapper sur ses compagnes. Après sa rencontre avec Cécile, il avait espéré avoir trouvé la bonne et était convaincu d’avoir échappé à tout cela. Pourtant, celui-ci est bel et bien dans un cercle vicieux sans fin, dans lequel la femme est le centre de ses problèmes. Elle boit ses belles paroles et ses promesses, subit le premier « accident », croit à ses excuses, et revient au cocon familial, pour finalement replonger dans les ennuis.
Patrice a toujours levé la main sur ses copines. Toutes. Il peut tirer une meuf un soir sans lui mettre une mandale, mais dès que ça devient une histoire, il y a la première claque. À force, c’est lui qu’elle marque le plus, la première. La meuf en face ne sait pas encore que c’est enclenché. Même quand elles ont eu dix histoires où dix fois elles se sont fait tabasser, les filles refusent de reconnaître qu’elles savent comment ça marche. Elles ont besoin de croire que c’était un accident. L’amour sera plus fort que la violence et transformera le mec violent en partenaire attentif. On se trouve, dans ces histoires, on se cherche, et on se trouve. Il n’est plus un gamin. Quand il rencontre une nouvelle fiancée, il s’écoute ouvrir les vannes aux belles promesses, aux cadeaux et aux compliments. Il se dupe, et elle se laisse duper. Cette fois, c’est la bonne, il a changé. Il suffit d’attendre. Première claque. Deux yeux écarquillés par la terreur lui disent qu’il n’y arrivera pas, et il réussit à se convaincre du contraire. La colère s’est invitée. Elle connaît le chemin, elle revient quand elle veut. Il corrigera cette fille. Elle le croira quand il jurera que ça ne recommencera pas. Il sera sincère. Il l’acculera dans un coin pour la cribler de coups, il la démolira, jusqu’à ce qu’elle parte. Et si elle ne part pas, il la tuera. Et chaque fois qu’il promettra qu’il regrette, il dira la vérité. Il cherche désespérément l’interrupteur, le déclic qui lui permettrait de garder le contrôle sur lui. La première baffe, avec Cécile, ça faisait dix mois qu’ils étaient ensemble et il était sûr d’avoir enfin trouvé la bonne, celle qui lui convenait. Avec elle, c’était différent. L’amour qu’il lui portait mêlait la confiance à l’excitation, la paix avec l’intensité – elle le rassurait, sans l’ennuyer. Il n’avait rien vu venir. Pourtant, il connaissait le scénario. Ça commence, les matins, par des monologues incendiaires – tout ce que Cécile ne faisait pas correctement, dans le couple, dans sa vie. Des arguments absurdes qui, sur le coup, paraissent valables. Et qu’il se répète, en boucle, jusqu’à être sûr de se faire avoir. Un jour, ça sort, elle pleure. Elle est surprise que l’homme qui passe son temps à lui répéter qu’il l’adore puisse avoir accumulé autant de rancœurs. Elle pleure et il s’excuse. Parce qu’une fois qu’elle est en larmes, ces mêmes arguments qui le rendaient furieux perdent leur évidence, il ne se souvient plus les avoir considérés comme justes. Mais quelque chose s’est mis en branle, un système de pensée destructrice, duquel il ignore comment descendre.
Contributeur: Harvent Laura